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GAFSA elmanajem
16 février 2011

Comme un avertissement à d’autres régimes : qui

Daniel VANHOVE

Les soulèvements populaires qui se déroulent en Tunisie et en Algérie ne peuvent laisser indifférent. Tout démocrate qui se respecte a le devoir de les soutenir. Ainsi que d’amener nos représentants politiques européens à faire de même, sans la moindre ambiguïté. Après un mois d’émeutes sanglantes et un dénouement favorable au peuple tunisien, quelques voix officielles trop timides jusque-là commencent à susurrer une vague critique de ces gouvernements autoritaires, mais sont singulièrement moins bruyantes que lorsqu’il s’agit de condamner voire menacer le régime iranien, syrien, soudanais, palestinien… qui osent nous résister ! Il est dès lors instructif d’écouter les interventions – ou les silences – de nos ténors habituels. L’on peut vite discerner les inanités usuelles et obséquieuses des Baroin, Mitterand, Alliot-Marie et autres pantins, motivées par les sordides intérêts qui seuls et comme toujours semblent nourrir leurs commentaires hypocrites… Hasardeux pour ces planqués d’aller faire la leçon des Droits de l’Homme à des dictateurs qui sont des partenaires économiques dont nous tirons profit. Impensable d’oser critiquer des régimes autoritaires qui collaborent à notre traque au « terrorisme », mantra préféré de ces incompétents. Le président Ben Ali le savait tellement bien qu’il ne se privait pas d’utiliser cette appellation grossière pour désigner le soulèvement d’une population révoltée par des années de pauvreté sans issue.

Il est navrant de constater à quel point les (ir)responsables politiques de nos vieilles démocraties semblent encore vivre dans le passé et s’abriter derrière leurs vieux réflexes. De voir que ceux-là n’ont toujours pas pris la mesure des nouveaux moyens de communication qui mettent à portée de main de chaque internaute toutes les informations disponibles, sauf à en censurer l’accès. D’où leurs tentatives pour imposer le silence à certains sites tel Wikileaks, sous prétexte que le peuple ne doit pas tout savoir des manigances d’Etat parce qu’il ne serait pas à même de tout comprendre. Pratique qui ne manque pas dans ces régimes despotiques avec lesquels pourtant nous continuons à commercer allègrement. Il est donc lamentable de les entendre nous mentir encore de manière éhontée, pensant nous rassurer par leurs propos, alors que leurs impostures ne font qu’alimenter le dégoût et le mépris, quand ce n’est pas la haine chez les plus jeunes. Ils n’ont décidément rien compris…

Pour tout observateur perspicace dans le déroulement des évènements du monde, comment s’étonner de telles révoltes ? Et comment croire qu’elles peuvent être contenues, ramenées au silence et écrasées par l’usage de la force policière et/ou militaire ? Ou par d’énièmes promesses d’un mieux-être que certains peuples attendent depuis des décennies ? Malgré ses beaux discours, le président tunisien savait bien que "300.000 emplois" ne se décrètent pas d’un claquement de doigts. Le mal est tel que c’est toute l’organisation de ces pays qui doit être profondément revue et corrigée : sur base de redistribution des richesses nationales volées par les familles au pouvoir ; sur l’éradication de la corruption, du népotisme et du clientélisme ; sur des principes de liberté, de justice, de respect de la vie humaine ; sur le droit à l’éducation, à l’hygiène et à la santé, et de tant d’autres critères encore que les opposants à ces régimes attendent de pouvoir mettre en place pour travailler à l’émergence de leurs démocraties… En observant l’exemple tunisien, il conviendrait peut-être de se rappeler que l’Histoire est pleine de tels soulèvements qui surviennent tôt ou tard… et que cela n’est qu’une question de temps, de maturation…

Dans la foulée, comment penser que les populations innombrables du Moyen-Orient attaquées de toutes parts depuis des décennies par un Occident surarmé et belliqueux, pillées par nos appétits inextinguibles de leurs ressources énergétiques dans des guerres abjectes, trahies par nos dirigeants qui pactisent avec leurs dictateurs, discriminées par un racisme décomplexé qui n’a de cesse de s’affirmer au point même d’être un thème central dans le programme de certains partis politiques, stigmatisées dans la moindre tentative de vivre parmi nous certaines de leurs valeurs, traitées de manière honteuse et inégalitaire au quotidien, rabaissées partout et en tous lieux,… vont continuer à se laisser malmener sans réagir !? Il faut être aveugle et sourd ou profondément inculte pour ne pas voir ces réalités et penser que l’Occident peut indéfiniment perpétuer sa détestable culture coloniale xénophobe et raciste faite d’injustices, de pillages, de crimes, et du deux poids deux mesures dans tout ce qu’il touche et tout ce qu’il entend gérer dans la seule obsession de ses intérêts, et du haut de sa suffisance…

Le peuple de Tunisie vient de démontrer sa capacité à se soulever. Il vient de donner une leçon de courage et de dignité à l’ensemble des nations et particulièrement à celles dirigées par une classe politique autoritaire et despotique. Sa révolte qui a renversé le président Ben Ali sonne comme un avertissement aux régimes nombreux qui se moquent de leurs citoyens et les maintiennent dans un système injuste et inégalitaire. Les responsables politiques des pays voisins sauront-ils entendre le message du peuple tunisien ?...

Daniel Vanhove –
Observateur civil
Auteur
14.11.01


 

 

Amine ALAOUI

Il est encore trop tôt pour savoir comment va évoluer la situation et comment se fera la transition, mais ce qui est en train de se passer est déjà historique, non seulement pour la Tunisie, mais pour tout le monde arabe, et peut être bien le monde entier. Alors qu’aucun signe avant-coureur n’était décelable, un soulèvement populaire spontané a réussi à faire vaciller un régime policier dictatorial incrusté au pouvoir depuis plus de deux décennies, et à faire fuir son principal architecte : Ben Ali. Mais encore une fois, il est trop tôt pour dire que le régime de Ben Ali est fini, ce sont les prochains jours qui nous l’apprendront.

Le plus admirable dans ce mouvement est que les Tunisiens ont décidé qu’ils en avaient marre de la dictature de Ben Ali et qu’il fallait y mettre fin, et sont en train de réussir cet exploit démocratique sans aucune planification ou organisation particulière, sans syndicats ou partis d’opposition structurés et puissants, et surtout sans l’aide de l’Europe et des États-Unis, dont les médias et les personnalités politiques avaient par exemple remué ciel et terre lors de la réélection d’Ahmadinejad en 2009 pour faire tomber le régime iranien. Lors de cette élection contestée, Ahmadinejad avait été réélu pour un second mandat avec 62,6% des voix, ce qui avait poussé Sarkozy à déclarer que « Ces élections sont une nouvelle exécrable (...) Le peuple iranien mérite autre chose ». Des manifestations sévèrement réprimées avaient suivi l’élection, Sarkozy était alors monté à nouveau au créneau, jugeant « choquantes » les images d’affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Quelques mois après, toujours en 2009 (Octobre), c’était au tour de Ben Ali d’être élu pour un cinquième mandat, avec 89,6% des voix. Sarkozy avait alors sauté sur son téléphone pour « faire part de ses plus vives félicitations » à Ben Ali, avant d’exprimer « sa satisfaction du niveau excellent atteint par les relations tuniso-françaises », réaffirmant « la volonté de la France de hisser le partenariat entre les deux pays à des paliers supérieurs ». Quant à Michelle Alliot Marie, ministre des affaires étrangères, elle a proposé à Ben Ali une « coopération sécuritaire » pour mieux réprimer le soulèvement populaire des tunisiens, dont les morts par dizaine n’étaient plus choquant cette fois.

C’est donc un mouvement populaire autonome et indépendant, un exemple historique de lutte démocratique, qui anime aujourd’hui la Tunisie et permet à son peuple de reprendre le contrôle de sa propre destinée. Cela étant dit, le combat ne fait que commencer, et si Ben Ali est tombé, il laisse derrière lui vide réel, et dans un pays qui a été dirigé pendant 23 ans par un régime autoritaire centralisé qui a écrasé toute forme d’opposition ou de société civile, seule l’armée peut combler ce vide, et même dans le meilleur des cas, c’est-à-dire celui ou l’armée jouerait un simple rôle de maintien de l’ordre et de la sécurité pendant cette période transitoire, tout en s’assurant que des élections libres et transparentes soient organisées pour constituer un nouveau parlement et un nouveau gouvernement, l’incertitude demeure quant à la capacité du peuple tunisien à s’organiser spontanément en l’espace de quelques semaines pour formuler un nouveau projet politique qui sera porté par une nouvelle classe politique.

Cependant, l’optimisme est permis. Personne n’aurait parié un seul dinar sur un changement de régime en Tunisie il y a un mois. Pourtant, c’est ce qui est en train de se passer. Le peuple tunisien a fait preuve d’une persévérance, d’une maturité et d’un niveau de conscience démocratique que l’on ne retrouve pas dans de nombreux « Pays développés ». C’est un peuple éduqué, soudé, et surtout, un peuple qui a désormais pris conscience de son propre pouvoir, et qui a découvert en même temps que nous combien il est difficile de s’opposer à la volonté populaire lorsque celle-ci trouve les canaux et l’opportunité pour se manifester et s’exprimer.

Le 14 Janvier est déjà une journée historique dans l’histoire de la Tunisie, il est probable que cela deviendra la date de la nouvelle fête de l’indépendance Tunisienne, et peut être même que l’avenue Habib Bourguiba sera renommée Avenue Mohamed Bouazizi. Par ailleurs, on peut déjà parler de victoire retentissante du peuple Tunisien, car quel que soit l’issue de la transition politique en Tunisie, le message est passé : Il n’est plus possible d’ignorer la volonté du peuple et de le priver de sa liberté d’expression et d’implication dans la vie politique. Encore mieux, le message a probablement été compris par tous les dictateurs arabes encore en poste, ils ont parfaitement compris que l’erreur de Ben Ali (du point de vue d’un dictateur) a été d’avoir réalisé trop tard que les peuples ne peuvent accepter indéfiniment l’oppression et la misère alors même qu’une élite minoritaire s’enrichit de jour en jour. Ils ont compris que si Ben Ali avait pu prévoir le soulèvement qui l’a renversé, il aurait probablement pris les devants pour desserrer son emprise sur le pouvoir, sur les médias, sur l’économie, afin de pouvoir se maintenir en place. Cela veut dire que tous les dictateurs arabes, à moins d’avoir des tendances suicidaires, vont probablement s’engager dans un réel processus de réforme démocratique, minimiser la censure et le contrôle des médias, la répression des manifestations, et donc laisser émerger une réelle opposition, pour éviter de connaître le même sort que leur collègue. Il se peut même, et c’est ce que l’on espère tous, que certains pays suivent l’exemple tunisien et décident de ne pas attendre que leurs oppresseurs daignent leur accorder un peu plus de liberté, et les renversent par des soulèvements populaires.

Des millions de Mohamed Bouazizi sont aujourd’hui dans la rue Tunisienne, ils ont goûté à la liberté d’expression, à la liberté tout court, et ils ont un appétit d’ogre ! Des millions d’autres Bouazizi potentiels à travers le monde arabe regardent les évènements en Tunisie et se posent des questions sur ce qui pourrait encore les empêcher d’accomplir ce que leurs frères ont réussi. Malheureusement pour ce qui reste du clan Ben Ali et de dictateurs arabes, le goût de la liberté semble désormais alléchant pour tout le monde arabe, il suffira désormais d’oser prendre la première bouchée, et de se rappeler que l’appétit vient en mangeant !

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